Une maladie du manioc en Guyane non identifiée



A. Le manioc aspect social et situation
Le manioc est la plante qui se place au 3ème rang dans le monde pour la production d'aliments énergétiques. Originaire de l'Amérique du Sud, sa culture s'est étendue à toutes les zones intretropicales. Le commerce de ses tubercules (racines tubérifiées)est très imprtant pour les pays producteurs. Depuis quelqus années, les cultivateurs de Guyane ont observé un abaissement de la production et naturellement une baisse de leurs ressources. Les consommateurs, de leur côté, ont déploré une hausse des prix préjudiciable à leur porte-monnaie.. Les premiers ont constaté des changements dans l'allure des plants de manioc au champ. Devant l'accélération des dégâts certains maires ont lancé un cri d'appel et se sont rapprochés du FREDON service officiel de protection des plantes cultivées pour trouver un remède à la maladie . Au Brésil, L’alerte est sérieuse. Des champignons attaqueraient la racine du manioc. Le constat a été fait dans les plantations des amérindiens de la commune d’Oiapoque dont toute la production a été perdue. Le manioc est à la base de l’alimentation amazonienne. Les techniciens phytosanitaires de l’Embrapa sont formels, indique le journal brésilien Diaro do Amapa, si rien n’est fait, c’est l’ensemble des champs de manioc de l’Amapa qui pourraient se trouver infestés par ces champignons qui détruisent la plante. Les Brésiliens de l'état de l'Amapa, confrontés à cette situation, sont tellement inquiets que le Gouverneur de l'état a proclamé l'état d'urgencee le 21/07 dernier.

B Localisation de la maladie


Les réseaux et les journaux se sont emparés des évènements. Un planteur de Ouanary aurait remarqué dessignes de maladie depuis deux ou trois ans. Depuis ce sont les grandes zones de culture de Maroni, du Haut Maroni et plus à la frontière Saint Geoges , Oyapoqué et l'état de l'Amapa voisin qui sont inquiets de la progression . On n'a pas encore quadrillé le territoire guyanais pour expliquer la progression de cette maladie nouvellement décelée.

C. Description des symptômes en Guyane


Des photos de plantations atteintes et d'échantillons collectés pour cause de maladie nouvelle probable, ont été rassemblées par le FREDON. M. Damien LAPLACE, directeur, a bien voulu nous les communiquer pour étude des symptômes. En effet en phytopathologie, certains symptômes sont assez caractéristiques pour faire le diagnostic du parasite, par exemple le "blanc" du melon indique l'oïdium, la rouille de l'arachide Puccinia.arachidcola D'autres sont le fait de deux organismes par exemple, le dépérissement de la tomate , dû à la bactérie vasculaire Ralstonia solanacearum ou au nématode à galles Meloidogyne. Il a été utile de comparer les photos et de trouver parmi les images, des symptômes caractéristiques possiblement comparables à ceux de maladies déjà connues, telles que phytoviroses, phytobactérioses, ou mycopathogènes.

C1. Les symptômes observés sur les photos du FREDON


C.11 le feuillage

Les feuilles du sommet du rameau pendent et sont noircies. Les étages inférieurs paraissenr sains. Cette photo se rapporte sans doute aux premiers stades de la maladie. Sur d'autres photos, on remarque Les feuilles de la cîme sont jaunes, petites, rassemblées en « balai de sorcière » (raccourcissement des entre-noeuds) . Ces feuilles sont beaucoup plus petites qu'à la normale (comparer avec des feuilles saines en haut à gauche sur la photo.) Les plus âgées, immédiatement en dessous, sont mortes, désssèchées, noircies, pendantes verticalement et toutes gaufrées. L'évolution de ces symptômes sur le bouquet de feuilles terminales pourrait être assez rapide (à vérifier par une contre visite à une semaine de distance)
b/ les rameaux

Sur une coupe londitudinale de la tige, une décoloration brunâtre à noire, issue de la base de la tige, suivant la moelle apparait clairement sur la photo n°6, mais nous ne pouvons donner une inerprétation autre qu'une réaction de poly-oxydase pour les tissus centraux.

La photo n°7 montre une modification de l'écorce, devenue grise, grenuleuse, avec des fentes verticales, dépressions chancreuses sèches caratérisant par des destructions longitudinales.

c/ les tiges
Nous notons surtout le développement des bourgeons axillaires de la base de la tige. Ceci est une réaction bien connue des plantes envers un envahisseur champignon , tel que le Fusarium que nous avons connu sur tomate, bactérie, telle que Pseudomnas solanacearum sur tomate et aubergine, et enfin par certains virus, tel le tomato yellow leaf curl sur tomate, tels que j'ai pu étudier dans ma carrière).
A noter, un peu plus haut sur la tige, le développement de petits bouquets foliaires
d/ Le collet
Une photo nous montre un chancre creux à la base de la plante et la pourriture des toutes racines issues de cet emplacement.
La lésion chancreuse est caractéristuque à la base d'une tige, pratiquement en position du collet. Les bords de la lésion sont parsemés de petites intumescences pâles ou pales.



D. Données supplémentaires

1° sur des images de manioc malades à l' AMAPA, par le service de protection des cultures brésiien EMBRAPA

1°Observation de petites plaies de l'écorce ds racines tuberculées. A ce niveau des petits fragments se redressent en oreillettes. 2° sur les tiges, présence de grandes plaies sèches (flèche rouge) et émergence de rameaux feuillés (flèche bleue) Ces signes semblent s'accorder avec ceux des photos n°1 et n°7 du FREDON


E .Bibliographie



Ayant pu jusqu'ici déceler des signes assez caractéristiques de la maladie, aussi bien en Guyane, qu'au Brésil, nous allons nous intéresser à la diversité des maladies du manioc dans le monde, afin de vérifier que notre maladie présente apparait bien différente de ce qui est connu et qui peut mériter son appellation de "nouvelle"

E.1 Les maladies du Manioc décrites au Congo

E.11 Etude de l'
l'IITA

au Congo Démocratique 'pages 15 à 19
La plante se trouve affectée par deux maladies virales appelées respectivement la mosaïque africaine du manioc (CMD= cassava mosaîc disease) et la striure brune du manioc (CBSD =cassava brown streak disease. Une maladie bactérienne appelée la bactériose vasculaire du manioc ou CBB = cassava bacterial bligt CBB y sévit également.

E.12 Etudes par l' IRD (ORSTOM)
1° la maladie de la mosaïque du manioc
, (synonyme CMD).
Le Virus de la Mosaïque du Manioc (ACMV) est un geminivirus transmis par la mouche blanche Bemisia tabaci.(FAUQUET C. & FARGETTE D.)
sympômes Les plants virosés se caractérisent par des feuilles couvertes de taches jaunâtres ; lorsque les attaques sont plus graves, les feuilles crispées et enroulées se rabougrissent. L'intensité des symptômes, seuls révélateurs connus de la MAM, varie selon le mode et l'époque de la contamination. Plus les pieds sont infectés jeunes, et surtout lorsque les boutures le sont, plus le pourcentage de feuilles virosées est important et plus les pertes de production sont élevées.
2° la maladie de la striure brune du manioc synonyme de la CSBD
Ce virus a été identifié pour la première fois en 1936 en Tanzanie. La striure brune du manioc se caractérise par une chlorose et une nécrose sévères sur les feuilles infectées, ce qui leur confère un aspect jaunâtre et marbré4. et les veines tertiaires, ou plutôt dans les taches non liées aux veines. Les symptômes foliaires varient considérablement en fonction de divers facteurs. Les conditions de croissance (altitude, quantité de précipitations), l’âge de la plante et les espèces de virus expliquent ces différences. Des traînées brunes peuvent apparaître sur les tiges de la plante de manioc. En outre, les tubercules peuvent être affectés d'une pourriture nécrotique sèche brun-noir qui peut évoluer d'une petite lésion à la racine entière. Les racines peuvent se contracter à cause de la pourriture des tubercules et d’un retard de croissance Selon wikipedia Wikipedia

Les symptômes de cette pathologie virale sont manifestes sur les feuilles, les tiges et les racines tubéreuses du manioc. Au niveau des feuilles, une chlorose apparaît sur les bordures des nervures secondaires avant d'atteindre les nervures tertiaires. A un stade avancé de la pathologie, ces taches chlorotiques de couleur jaune et verte, affectent et endommagent toute la feuille. Sur les tiges, la chute des feuilles laissent transparaître des cicatrices foliaires sur lesquelles se forment des nécroses et des lésions de couleur brune foncée qui ont une forme semblable à celle des stries. La striure brune provoque des trous et un rétrécissement apical des tubercules de manioc ainsi de petites fissures à la surface de l'écorce. Une coloration jaune brune et des stries nécrosées sont observables à l'intérieur des racines tubéreuses. Cette nécrose liégeuse rend les tubercules impropres à la consommation. https://renseigner.com/plantes/legumes/tubercules/manioc/striure-brune-du-manioc.
3° la bactériose du manioc (synonyme CBB)
Cette maladie est apparue au Brésil en 1912

Etude et thèse de J.F.DANIEL à l'ORSTOM-Brazzaville .

symptômes
La bactériose vasculaire du manioc s’exprime en saison des pluies et se caractérise par une grande diversité de syrnptômes : - taches anguleuses sur le limbe, - brûlures foliaires avec production d’une toxine, - fléttrissement des feuilles, - lesions sur tiges avec production d’exudat, - defoliation des rameaux, - dessèchement des sornmités. La combinaison de ces symptômes est un fait unique parmi les bactéries phytopathogènes. Dans le cas de plants issus de boutures contaminées, la maladie se traduit par le flétrissement rapide des jeunes rejets avec production de bactérioglés sur les tiges non aoûtees. Le desséchement des jeunes rejets est rapide. Pour les plants sains, le début de la maladie est caractérisée par l’apparition de taches anguleuses limitees par le réseau des nervures associés ou non à une brûlure du limbe. Après multiplication de ces lesions foliaires, les feuilles flétrissent puis tombent du rameau porteur, provoquant sa défoliation. Simultanement, sur les jeunes tiges des nécroses avec production d’exudats apparaissent, lesquelles évoluent ensuite en lésions chancreuses. Les tissus sous-jacents et notamment les tissus vasculaires sont colorés en brun noirâtre. Cette altération peut s’etendre jusqu’à la moelle. Des coupes histologiques démontrent la présence vasculaire du parasite. Au stade ultime de la maladie, on observe la destruction de la partie aérienne des plants. A la limite des tissus nécrosés, les plants émettent des rejets qui rapidement présentent à leur tour les symptômes de la maladie. Ces jeunes rejets sont très sensibles à la maladie pendant la saison des pluies et au redénarrage de la vegetation (fin de la saison sèche). Ils maintiennent dans les plantations un inoc>ulum secondaire important. Il est capital de noter que les tiges âgées adaptées à la production de boutures, maigre la présence vasculaire de la bactérie, sont souvent apparemment saines. On observe aussi des lésions sur fruit et la présence de la bactérie dans la semence, les fleurs et sur les grains de pollen (Daniel et al., Elango et al.). »

E.13 Travaux de Côte d'Ivoire Les jeunes chercheurs ivoiriens (BROU Guy, KOUASSI Nazaire et al., 2015) eont rassemblé toutes leurs connaissances du manioc dans une étude complète, intitulée Guide technique "Reconnaître les principales maladies fongiques, bactériennes du manioc et virales pour mieux protéger la culture du manioc en Côte d’Ivoire."


F Diagnostic, pronostic, prise en charge et mesures de lutte

Nous posons premièrement une réserve. «La production de racines a diminué, nous dit-on» Les informations nous manquent concernant les dommages sur tubercules. Ceux-ci sont-ils moins nombreux, de moindre taille ou leur contenu altéré?
Des renseignements suplémentaires pourraient apporter quelqes pièces au "puzzle" , tels que l'influence des pluies ou de la saison sèche, la disperson de la maladie en tache ou sur plants isolés, la chronologie des atteintes, le commencement, à quel âge de la plante, les plants meurent-ils etc. Il serait utile de dégager le collet des plantes malades pour observer la présence de pourriture

Notre opinion , après le dépouillement de ces données, photos et bibliographie , s'oriente sur une qualité "systémique " du parasite, c'est--à-dire parasite des vaisseaux conducteurs de sève, probablement tellurique, c'est-à-dire issu du sol

L'identification ne pourra pas étre obtenue sans isolement en laboratoire de phytopathologie.

La presse nous informe que nos collègues brésiliens ont avancé dans les recherches et auraient isolé 4 champignons (dont 3 identifiés). L'un serait un Fusarium solani. Les Fusarium sont de redoutables parasites des plantes. Des essais sont en cours pour remédier à la maladie par un traitement associant un champignon antagoniste (Trichoderma viride) et un compost "BIIOCHAR obtenu de charbon et de déchets de corossol. Les premiers résultats semblent très encourageants
Publication
: da Silva J. S. A., de Medeiros E. V., da Costa D. P., de Souza C. A. F., de Oliveira J. B., da Franca R. F., Souza-Motta C. M., Lima J. R. D., Hammecker Claude. 2022. Biochar and Trichoderma aureoviride URM 5158 as alternatives for the management of cassava root rot. Applied Soil Ecology, 172, 104353 https://doi.org/10.1016/j.apsoil.2021.104353
Mon expérience de phytopathologiste tropical me permet de juger cette nouvelle maladie du manioc comme suffisamment sérieuse pour mériter une prise en charge par un Institut de Recherche. Je pense à l'antenne du CIRADde KOUROU qui dispose d'un laboratoire de phytopathologie parfairement équipé





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Claude DECLERT
DR de phytopathlogie tropicale retraité
fondateur du site http://lephytoscope.fr
Fontainebleau 01/10/2023 Book cover Book cover https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4757-2451-6_11 Croissance des plantes, p. 223 à 239Cite as Foyer Substances de croissance végétale Chapitre Tuberisation Richard N. Arteca Chapitre 441 Accès Résumé L'initiation et la croissance subséquente des tubercules dans les plants de pommes de terre résultent d'une série de changements biochimiques et morphologiques qui se produisent au-dessus et au-dessous du sol. Les premiers chercheurs ont attribué le processus de formation des tubercules à l'existence de glucides excédentaires. Kraus et Kraybill (1918) ont établi la théorie nutritionnelle. Ils ont étudié les variations du rapport C/N en relation avec la croissance des plants de tomates. La première personne à introduire une forme de la théorie nutritionnelle telle qu'elle s'applique à la tuberculisation était Wellinsiek (1929). Il a suggéré que le facteur causal de la tuberculation était la concentration des métabolites de la photosynthèse, en particulier le rapport glucidique/azote. D'autres ont soutenu cette théorie (Werner 1934; Milthorpe 1963). Dans des conditions défavorables telles que des températures élevées et de faible intensité lumineuse, de grandes quantités d'assismilates sont utilisées pour la croissance des pousses et des racines, ce qui inhibe la tubercule. Si des tubercules sont déjà présents dans des conditions défavorables, ils peuvent être totalement réabsorbés si ces conditions persistent. Plus récemment, une attention considérable a été portée aux effets des substances de croissance des plantes sur la tubercule, maintenant appelée théorie hormonale. Le premier rapport suggérant l'existence d'un facteur spécifique produit sous des photopériodes favorables a été par Driver et Hawkes (1943). Il a été proposé de transmettre ce facteur aux stolons où il induisait la tubercule. Ce n'est que dans les expériences de greffage classiques de Gregory (Gregory 1954, 1956) que des preuves expérimentales ont été présentées à l'appui de la théorie hormonale de la tuberculation. Sur la base d'expériences de greffage, il a postulé l'existence d'une substance spécifique formant un tubercule qui a été produite dans certaines conditions de photopériode et de température et transmissible par des unions de greffons et n'était pas un métabolite majeur, comme un hydrate de carbone. Depuis cette époque, il y a eu un certain nombre d'autres études soutenant cette théorie (Chapman 1958; Kumar et Wareing 1973, 1974; Ewing 1987).


Le 16/10/2023 à 18:13, claude declert a écrit : A Monsieur Antoine CHOURROT Cher Collègue Je me suis appliqué à établir une petite synthèse ( PJ) de ce que j'ai vu sur vos photos ; mon option se tourne vers une attaque bactérienne ou virale ou phytoplasmose. L'infection se ferait par voie aérienne et non du sol, elle serait la conséquence de zoovecteurs comme insectes ou acariens piqueurs ( criquets, hémiptères, cicadelles, cochenilles ou acariens). Pour confirmer mes hypothèses, je suggère trois opérations, un piégeage de la panoplie des insectes sur les plants de manioc, un examen visuel des rameaux susceptibles de porter des cochenilles ou acariens, et enfin relevés de parcelles en voie d'infection. 1° Je pense que la capture des insectes sur le site plant de manioc pourrait se faire avec un filet à maille très fine couvrant le manioc et des récepteurs (2 draps de coton blanc) sur le sol + traitement par un bon DECIS et récolte un ou deux heures plus tard par un aspirateur (personnellement j'utiliserai un ramasse miette par exemple) dont le réservoir serait vidé dans une enveloppe kraft. Je vous propose d'en faire l'inventaire. 2° des échantillons de courts fragments (10 cm environ) de tige (zone de début d'aoutement) me seraient envoyés par d'autres enveloppes kraft, à examiner avec mon microscopique numérique 3° Pour comprendre l'évolution de la maladie dans l'espace, des relevés d'environ 1 are (10mx10) sur une parcelle facilement accessible, en cours de "maladie" (les forestiers de Fontainebleau font de même sur de telles dimensions délimitées par une chaine décamètre et délimitées par 4 jalons ( identifiés par le ruban blanc et rouge). Le travail consisterait X reproduire sur un petit plan les plants malades et non malades. Cela nous indiquera la transmission a) à l'intérieur d'un même plant d'une tige sur une autre b) sur les maniocs mitoyens c) sur de grandes plages. Pour comprendre l'évolution dans le temps, d'autres observations seraient pratiquées à une prochaine échéance, par exemple deux mois. Je vous salue très cordialement Claude Déclert