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La pyrale du buis.-Une lutte "par avertissements"?

Depuis quelques années, les visiteurs de jardins publics ou de parcs sont étonnés de constater l' aspect « maladif » des buis taillés. Les amateurs de jardins, qui regardent de près les buissons de leurs buis, constatent la disparition des feuilles et parfois leur agglomération en petits nids minuscules. Les professionnels, quant à eux, sont au courant de l'origine de ces ravages, dûs à l' agression de nombreuses petites chenilles phytophages. Le nom même de l'insecte incriminé est connu de la plupart : il s'agit de la pyrale. Les « médias » sur le net ne sont pas avares de remèdes, appelant les intéressés à faire l'acquisition de pièges à phéromones, etc... et également à pratiquer des traitements insecticides tous les huit jours. Spécialiste de défense des cultures, je me suis ému de l'abondance de la littérature accessible, et mettant partiellement en doute ses prospectives, j'ai tenté d'analyser la situation et d'y proposer une stratégie de contrôle, alliant efficacité, moindre pollution chimique et un point de vue économique.

1. le ravageur
Le ravageur est un papillon, type Pyrale, identifié comme Cydalima perspectalis, dont les chenilles rongent les feuilles du buis (Buxus spp.) et couramment dénommé Pyrale du buis.
Ses ailes blanches et brunes présentent des irisations dorées et violacées. Les deux sexes sont semblables. Il ne peut pas être confondu avec d'autres espèces locales de la même famille du fait de sa grande taille et de son motif caractéristique. Son envergure moyenne est de 36 mm et son maximum 44 mm. Les adultes sont exclusivement nocturnes. Les chenilles, douées d'un grand appétit, rongent les feuilles et parfois l'écorce des rameaux. Elles craignent la lumière et se dissimulent à l'intérieur du feuillage, même dans des cages d'élevage Les palettes fécales très abondantes révèlent néanmoins leur présence active..
Ce papillon originaire de Chine a été introduit accidentellement en Allemagne, il y a une dizaine d'années, et a ensuite envahi l'Alsace, puis une grande partie du territoire national.
En Europe occidentale, l’espèce semble (?) produire deux à trois générations par an.
L'hivernage se fait sous forme de jeunes chenilles, dans des cocons de feuilles et de soie, situés à l'intérieur du feuillage des plants infestés.
La première génération des papillons prend son vol en juin.
La ponte des œufs en groupe se fait sur la face inférieure des feuilles.

Les œufs donnent naissance aux chenilles.
Les chenilles au dernier stade mesurent 35-40 mm de long.
Elles se transforment alors en nymphes.
La nymphose dure environ un mois (pendue par la queue, tête vers le bas, généralement dans un cocon tissé entre les feuilles).

Les papillons en sortent après.
La dernière génération passe l’hiver en l’état de jeunes chenilles logées dans des cocons. Dès mars, elles quittent leurs cocons et recommencent à s’alimenter sur les feuilles.

Voici un cycle théorique de la biologie d'un ravageur :


2° les dégâts

Ils sont particulièrement graves. Sur les buissons de buis la destruction du feuillage rongé et agrégé reproduit une allure de « teigne »
Les buissons entièrement dépouillés de feuilles, périclitent et meurent. Il s'en suit un effet préjudiciable au paysage ornemental des parcs. Voici par exemple un état avancé du ravage et de l'effet sur un ensemble de buissons de buis taillés En outre, d'autres parasites (Rustica) interviennent pour la mauvaise santé du buis, en particulier deux champignons qui provoquent le dépérissement (Volutella buxi) et la dégradation des rameaux et du feuillage (Cylindrocladium buxicola).



3° stratégie de lutte : l'"avertissement".
Le contrôle des maladies et des dégâts de parasites est basée sue la lutte contre l'agent responsable ou sur ses associés. Dans le cas présent, la lutte doit être concentrée sur la chenille ou à défaut sur le papillon. L'arsenal des insecticides le plus couramment utilisés contre les chenilles présente des produits efficaces et de moindre danger pour l'environnement (DL50 peu élevé, dégradation rapide, etc.). Les ravages des chenilles de la Pyrale du maïs sont réduits sinon anéantis par des pulvérisations de solutions liquides de pyréthrinoïdes de synthèse type alphaméthrine, cyperméthrine ou deltaméthrine à des concentrations de 1 à 0,5 pour 1000. La stratégie raisonnée revient à réduire le nombre d'applications au strict nécessaire pour assurer néanmoins un maximum d'efficacité. Elle se base sur des données scientifiques et sur des observations complémentaires. Les données scientifiques concernent la durée du cycle biologique du parasite et de ses phases élémentaires, à savoir la durée de vie du papillon, des oeufs, des cinq stades de chenille et de la chrysalide. Actuellement, on sait qu'il y aurait deux ou trois générations de Pyrale dans l'année, c'est-à-dire deux ou trois vols de papillons. L'observation directe ou l'emploi de pièges à phéromones confirmera cette donnée pour notre région. Dès à présent d'autres indices permettent de présumer la durée du cycle biologique
On a appris (André LEQUEUX) que les premières chenilles de printemps (L2) après l'hivernage (issues de nymphes (chrysalides) s'observent à la fin du mois de mars durant un mois et que d'autre part les premiers vols de l'année sont visibles au mois de juin. La durée de temps entre ces deux phénomènes est de deux mois environ. Le décompte d'un mois pour le temps des chrysalides laisse un mois pour le déroulement des derniers stades larvaires : fin de L2, stade L3, L4 et L5. On peut admettre une estimation une estimation de 3 ou 4 semaines pour les premiers stades du cycle biologique, adulte , oeuf, larve L1 et partie de L2. Ce qui en définitive autorise à une durée présumée de 3 mois pour une génération de Cydalima.


Parmi plusieurs exemples de lutte contre les chenilles, notamment celui de la lutte contre Heliothis armigera, ravageur des capsules du cotonnier et des fruits de la tomate) il a été avéré que de tous les stades du cycle biologique, c'est le stade larve L1, celui de la petite chenille issue de l'éclosion des oeufs, qui est la plus sensible aux traitements chimiques. Il a été choisi de réduire le nombre des traitements à une ou deux applications sur ce stade sensible et cette stratégie a été un succès.
Cette prévision justifierait pour l'année 3 traitements contre les chenilles L1, soit en juin, en août-septembre et novembre, et par précaution en mars avril un 4ème contre les chenille L2 issues de l'hivernage. Tout cela au cas où 3 générations se succéderaient en France. Des observations sont nécessaires le prouver ; sinon pour l'hypothèse de 2 générations seulement, 3 traitements annuels seraient suffisants. Des observations régulières de pièges à phéromones pourraient nous enseigner si deux ou trois vols de papillons existent (par exemple selon le schéma ci-dessus). Un petit élevage de chenilles en cages pourra de même nous confirmer la durée du cycle biologique et nous maintenir dans l'hypothèse de 2 ou de 3 cycles annuels.

Pour la lutte contre les chenilles de l'Heliothis armigera en Côte d'Ivoire, mon ami et collègue André POLLET, avait recommandé de recourir aux traitements par avertissements, définissant la date des applications, et à cette époque la pullulation des chenilles ravageurs avait été éradiquée dans la plantation infestée. Cette méthode nécessite d'établir
1° une base de travail = ce sera la sortie des papillons
2° la durée des stades vol des papillons et maturation des oeufs = durée de temps avant l'éclosion des oeufs en chenilles L1 La base de travail est obtenue par des observations en plein champ ou d'après des élevages de chrysalides. En suite, la durée « vol des papillons + maturation des oeufs » peut être évaluée par des élevages en cage de papillons, l'éclosion des chenilles sera détectée par l'élevage des feuilles porteuses d'oeufs et la présence des palettes fécales au fond des cages. De même, des pièges de papier blanc placés sous les buissons seront de précieux révélateurs.
Les informations ainsi obtenues pour cette « durée de temps avant l'éclosion des oeufs en chenilles » permettront ensuite de diffuser ("avertissement") auprès des jardiniers la date favorable pour le traitement.
Pour le premier traitement des chenilles L2 sortant de l'hivernage en mars-avril, le critère du traitement sera la vérification de leur présence par élevage à partir de rameaux de buis par l'observation de palettes fécales à l'intérieur de cages d'élevage ou sur des témoins sous le buissons de buis.(photos à suivre)

Palettes fécales sur le fond d'une cage d'élevage _ de même sur le sol en bas d'un buisson infecté

Pour la lutte chimique à appliquer contre les chenilles L1 de Cyladema selon un rythme réduit (3 ou 4 traitements par an) , on pourra choisir des pulvérisations de solutions aqueuses de composés pyréthrinoïdes de synthèse, tels que l'alphaméthrine, cyperméthrine ou deltaméthrine à la dilution de 1 ou 0,5 pour 1000. Ces insecticides de contact sont recommandés pour la destruction de nombreuses espèces de chenilles, en particulier celles de la Pyrale du Maïs. Leur toxicité est peu élevée (DL50 de 65 à 500mg) , et leur rémanence de l'ordre d'une semaine à dix jours. Le principe de l'éradication de la pyrale du buis par le procédé des pièges à phéromone est séduisante au premier abord, mais à la réflexion illusoire si l'on pense que chaque espace de buis devrait en être pourvu. La protection locale des buis d'ornement aura un succès plus certain avec la lutte par avertissements telle que ci-dessus décrite. Sans doute, l'assainissement de notre territoire vis-à-vis de cet envahisseur trouvera-t-il un aboutissement avec des stratégies de lutte biologique, envisagées par les entomologistes alsaciens.


Quelles prescriptions pour ce début du mois d'avril


La situation des buis aujourd'hui à Fontainebleau est inquiétante . Les chenilles L2, ayant hiberné dans leurs petits cocons tressés avec les feuilles sèches, sont sorties et se nourrissent goulûmment. Certaines ont pu être capturées et mises en élevage pour étudier la durée des stades larvaires.
IL faut agir sans attendre pour détruire les chenilles, elles sont actives et ayant developpé le stade 3 , approchant du 4 : nous proposons une lutte par pulvérisation de pesticides appropriés, soit par les pyréthrinoïdes (genre DECIS ou autres), agissant par contact et ingestion ou par le bacillus thuringiensis , agissant par ingestion et respectueux des abeilles.

Bibliographie :
Un certain nombre d'informations et de photos sont citées ici à partir des sites suivants dont les auteurs sont à féliciter
André LEQUEUX insectes-net
CH.BRUA = société entomologique de Mulhouse
Wikipedia


Fontainebleau, 2 avril 2017
Claude DECLERT, directeur de recherches I.R.D. retraité
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