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Lutte
contre les nématodes Meloidogyne
Compte-rendu d’une mission expérimentale
agro écologique à KOUROU

Le projet de la mission, « mise au point d’une technique de lutte contre les Meloïdogyne , fait partie du thème RESFERNA (REStauration de la FERtilité Naturelle des sols cultivés en culture maraîchère), dernier thème poursuivi avant notre mise à la retraite. La culture répétée de plantes maraîchères favorise la multiplication des parasites telluriques, notamment le Meloidogyne, des bactéries et Fusarium agents de tracheopathogénies et des Phycomycètes Pythiacées, et le potentiel infectieux du sol s’amplifie progressivement. Il semble que les sols à maraîchage de Guyane soient autant menacés d’infestation de Meloidogyne que ceux des Antilles et de l’Afrique et de toutes les régions tropicales en général et que cette endémie constitue un sujet majeur pour la protection des cultures.
La mission (Kourou dec.2013-juin 2014) a été consacrée à la mise en pratique d’un projet original de lutte contre les nématodes Meloidogyne : les résultats obtenus sont satisfaisants.

I_PREALABLES
L’essai a été précédé de l’acquisition de connaissances fondamentales sur les Meloidogyne, la mise au point d’ outil d’infection artificielle, de précédentes expérimentations sur la maladie et des prospections sur le terrain.

        1) connaissances fondamentales
La monographie exhaustive de G. DE GUIRAN et C.NETSCHER "Les nématodes du genre Meloidogyne, parasites des cultures tropicales" (Cah.ORSTOM, sér.Biol., n°11 avril 1970)"http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins.../17563.pdf" suffit à mettre tout lecteur au courant de l’essentiel et des détails de la biologie du Tylenchida en question. Nous avons retenu essentiellement:
- l’état prolifique des pontes (de l’ordre de 250) ,
- l’addiction des jeunes larves écloses (larves L2) pour des racines susceptibles de les accueillir,
- la durée du cycle biologique (de l’ordre de 3 semaines en zone tropicale)
- et la « dormance » des œufs dans un sol sec.
On peut en inférer que la population des individus dans un sol quelconque est constituée d’une part d’une grande majorité d’œufs, d’autre part d’une petite minorité de vers libres (phase exophyte) et de vers parasites (phase endophyte). Cette réflexion sera le point de départ pour la stratégie de lutte.
        2) un outil d’infection artificielle
Pour toute infection artificielle, le spécialiste agira spontanément. à partir de nématodes vivants et libres capturés de sol infecté. Différemment, le phytopathologiste constate que les symptômes (galles) sont induits par le sol. Il a donc été choisi d’expérimenter le phénomène à partir d’échantillons de sol mis en confrontation avec une plante sensible dans des conditions favorables.
Adopté il y a une vingtaine d’années, nous l’avons défini et précisé pour en obtenir un outil économique, facile à réaliser, simple à observer, et accessible à toute personne intéressée ne disposant d’ aucun laboratoire. La dénomination PPM (Piègeage par Plantules de Melon), choisie par humour, ne concerne aucunement l’interprétation générale de partie par million!
        3) précédentes expérimentations.
Un essai de contrôle des fatigues de sol à Meloidogyne (1995 -Centre ORSTOM de Pointe Noire) cherchant à connaître l’influence des précédents culturaux, nous a enseigné qu’une culture de 4 mois d’amarante bary révelait une population d’environ 1000 nématodes par litre de sol, ce qui laisse attribuer à cette plante maraîchère (épinard bary) une forte capacité à stimuler l’éclosion des œufs de Meloidogyne.
        4) prospections sur le terrain
Une mission précédente (décembre 2012 -février 2013) a permis de déceler la prévalence du parasite dans une parcelle forestière (aire de la future station expérimentale agroécologique de Papinabo proche de Kourou). Une seconde parcelle a été aménagée par addition de terre infestée sur une planche maraîchère circonscrite.

II_Principe de la stratégie de lutte.

Etant donné que le parasite est à l’origine d’une maladie évoluant dans le temps et que l’agression progresse également dans le temps, nous avons considéré les œufs comme l’essentiel de la population et le potentiel infectieux des sols. L’idée directrice a été de considérer non pas les nématodes libres dans le sol ou inclus dans les racines parasitées, mais plutôt la population d’œufs et d’agir en sorte de la réduire sinon de la supprimer. Toute action, concourant à réduire cette population, en stimulant son épuisement (particulièrement les facteurs favorisant les éclosions) et en réduisant l’enrichissement du stock d’œufs par suppression des femelles porteuses de masses d’œufs localisées dans les galles. Ce dernier effet est obtenu par l'interruption du cycle biologique entre les états L2 et L3. Le cycle biologique du Meloidogyne révèle en effet que le point faible de ce parasite est la phase des larves exophytes L2 mobiles, dont la survie dépend de la disponibilité de racines sensibles.



Les 3 figures suivantes sont une simulation de l’évolution de la population d’œufs de Meloidogyne au cours de l’infection d’une nouvelle culture sensible (tomate par exemple) : les larves L2 achèvent le cycle normal grâce aux racines de plante hôte (sensible) qu’elles pénètrent et deviennent larves L3 et finalement femelles adultes à l'intérieur des tuméfactions de racines. On peut constater qu' à l'origine une population d'oeufs est relativement modérée. Puis les racines en petit nombre commencent à faire éclore quelques oeufs. A l'issue des 3 premières semaines (estimaton d'un cycle de reproduction du Meloidogyne, la population d'oeufs s'est accrue en raison des cycles achevés en femelles et masses d'oeufs. Les plants de tomate croissent et commencent la production de fruits. A l'âge de 70 jours,soit après environ deux mois et demi de culture, la situation est devenue grave, les racines s'étant développées et ayant exploré une grande masse de terre, les éclosions ont explosé, les galles se sont multipliés sous la pression accrue de larves L2, et consécutivement le nombre de femelles et de masses d'oeufs.
Les racines sont de plus en plus tuméfiées, avec tumeurs nombreuses et volumineuses. Leur fonction physiologique est gravement altérée et les tomates commencent à manifester des signes frappants de dépérissement, feuilles désséchées et décolorées, ralentissement et arrêt de la croissance des rameaux, défaut de nouaison des grappes de fleurs.


Dans les précédentes méthodes agronomiques de lutte, l’ effet d’inanition a été obtenu entre autres par:
- la culture du Panicum maximum en rotation pour 3 années consécutives suivies d’une année de maraîchage (Cellule Pilote de Cultures Maraîchères de C. NETSCHER),
- la culture intercalaire de Tagetes,
- la culture de variétés d’ Ipomea batatas non hôte.

La stratégie agro-écologique exploite le point faible du cycle :
- substituion de racines susceptibles par des racines non compatibles
- d'où rupture ultérieure du cycle biologique,
- d'où absence de femelles productrices de masses d’oeufs
- d'où arrêt du rechargement du potentiel infectieux du sol.
L’effet est amplifié par l’intervention de l’amarante, dont les racines, stimulant l’éclosion des œufs, concourent à l’épuisement du stock de la population d’œufs.
Les deux figures suivantes simulent l’évolution du « traitement » à deux étapes de la culture de l'amarante (25 et 70 jours)


En bref, la stratégie consiste à combiner deux démarches, la première stimulant un maximum d’éclosions et la seconde, par absence de racines sensibles, condannant à l'inanition les larves issues des éclosions.

III Mise au point et réalisation

Le principe du traitement consiste à insérer dans le cycle des rotations maraîchères la culture d'une plante qui exercera ces deux effets. Notre choix s’est porté sur Amarantus hybridis L.,plante non-hôte et apte à stimuler fortement les éclosions. La mise au point à évaluer l’efficacité d’une durée du traitement de 3 mois. pour un effet satisfaisant. Deux analyses de sol par la technique PPM pour la prospection des populations d’œufs de Meloidogyne, ont encadré la culture d’amarante-épinard l’une pour confirmer l’état d’infestation et la seconde pour vérifier l’effet du « traitement ».
1) l’amarante épinard ou bari (dénomination locale)
L'Amaranthus hybridis est un légme feuilles tropical, cultivé danss les jardins d'Afique tropicale et équatoriale, apprécié pour ses valeurs alimentaires (4,6% de protéines) et économiques.
L'agronome G.J.H.GRUBBEN lui a consacré une thèse très importante : "la culture de l'Amarante légume feuilles tropical", thèse soutenue à Wageningen en 1975. Les lecteurs se reporteront en à outre avantageusement 1° MEDEDELINGEN LANDBOUWHOGESCHOOL WAGENINGEN • NEDERLAND • 75-6 (1975)
l’encyclopédie PROTA4uqui consacre une grande place à ce légume.


2) effet intense de stimulation pour l’éclosion des œufs (cf les essais de Pointe Noire)

L’essai de Pointe Noire nous enseigne que la pullulation de vers libres (essentiellement des larves L2) sont très abondantes après la culture d’Amarante, soient 1080 par litre de sol et que le culture de chicorée qui succède à l’épinard se trouve dans un sol indemne. L’analyse positive du sol après une durée de 120 jours de l’essai, peut s’interpréter par le progrès de l’exploration du sol par des racines en croissance continue.


3) effet de dissuasion pour les larves mobiles
GRUBBEN (La culture de l’Amarante, légume-feuilles tropical-1975) affirme «  l’amarante n’est pratiquement pas sensible aux dégâts causés par les nématodes » et il ajoute: « les larves qui pénètrent les racines ne se développent pas. »
L’encyclopédie numérique Plant Resources of Tropical Africa2, page 71 précise
« Amaranth is hardly or no susceptible to nématode damage. Penetrating larvae do not develop further. Moreover harvesting by uprooting removes Meloidogyne larvae that have penetrated the roots, making the soil more suitable for a net trop of lettuce, okra, african nightshades (Solanum sp.), corchorus or oser vegetables susceptible to root-knot nématodes »
C.M.MESSIAEN, dans le potager Tropical, exprime la même opinion : « les racines des Amarantes épinards sont totalement résistantes aux Meloidogyne ».
4) les parcelles pour expérimention.

Deux planches d’environ 20 m2 ont été retenues. La première (PAP) à proximité d’un bananier, source probable de l’infestation, a été délimitée sur le périmètre de la parcelle Papinabo en instance de bail emphytéotique. Des précédentes prospections y ont reconnu la présence de Meloidogyne . La seconde (FH) a été choisie sur le périmètre urbain de la concession du domicile à la résidence Nouvelle Angoulême de Kourou; cette planche d’environ 8 x 1,5m , délimitée par une rangée de parpaings, a été cultivée en tomates et Solanum torvum et a reçu des apports de terre prélevés au voisinage de la précédente parcelle de forêt. Elle a été partagée en deux aires, l’une à planter avec l’amarante (« traitée »), l’autre conservée avec nombreuses adventices (« témoin »)



IV Résultats et discussion

les analyses de détection de l’infestation
Dans les deux parcelles FH et Pap, la détection de l’infestation du sol en œufs de Meloidogyne a été réalisée par la mise en ouvre du test PPM les 07/12/2013 et 13/12/2013. Les résultats des extractions de racines sont portés dans les tableau 1 et 2, en vis-à-vis des résultats des dépouillement des test-post traitement. Pour FA, l’infestation était totale comme le montre cette photo


mise en place de l’amarante
Les plants ont repiqués sur chacune des parcelles FH et PAP les 02/01/2014 et 06/01/2014, sur une moitié de chacune en sorte de conserver un témoin. La croissance des plantules a été médiocre en raison d’une attaque non contrôlée d’acariens Tetranyques. Sur la parcelle PAP, défrichement manuel et succinct, la concurrence d’adventices a contribué encore à contrarier la croissance. Pour chaque parcelle les amarantes ont été maintenues 76 et 71 jours.
dépouillement des opérations de contrôle post traitement
Les échantillons de sol à analyser ont été prélevés les 19 et 28 mars. Les plantules de melon extraites les 10/04/2014 et 18/04/2014, soit après 21 jours d’exploration . Les racines ont été lavées et déposées dans une cuvette sur un film noir recouvert d’eau, en sorte d’améliorer les images photo. Simultanément pour chaque racine l’intensité des symptômes de galles a été notée selon la barème suivant :

Les racines des plantules de melon extraites de l’analyse de l’essai FH ont été photographiées le jour de leur extraction. Sur la gauche se trouvent les racines correspondant aux échantillons de sol de la demi parcelle traitée par la plantation d’amarante, les témoins rangés à droite.


interprétation
Sur la photo précédente, l’effet de tuméfaction est particulièrement marqué sur le lot de racines issues de la parcelle Témoin, au contraire de celles relatives aux échantillons de sol de la demi parcelle traitée. Les notations, retranscrites sur les tableaux 1 et 2, rendent compte de l’effet attendu, soit d’une moindre occurrence de galles et donc d’une moindre population de larves L2, agent de ces symptômes. Cette situation découle d’une réduction du stock d’œufs dans le sol, ce qui était le but recherché. La plantation a eu un effet notable sur le potentiel infectieux.

Si les résultats obtenus ne nous montrent qu’une réduction de ce potentiel et non l’anéantissement recherché, il semble admissible d’attribuer l’effet incomplet à deux facteurs, la croissance ralentie des plants de bary suite aux dégâts de tetranyques et peut-être la durée insuffisante de leur présence (74 à 76 jours). Néanmoins, Il ne peut être invoqué de problème d’acclimatation, les semences étant issues du Congo, dont le climat est tout-à-fait semblable à celui de la Guyane.

V _Recommandations

La satisfaction des avancées réalisées dans la perspective d'une prochaine stratégie de lutte efficace et non polluante contre les Meloidogyne et en corollaire d'une remise en état de parcelles maraîchères appauvries en productivité, nous mobillise pour reprendre les points de recherche encore défaillants, notamment la maîtrise de la culture de l'Amarante, son échappée des ravageurs et sa durée.

Fontainebleau, le 30 octobre 2014 retour en haut de la page