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Bouturage et greffage du Solanum torvum Sw.

1.Introduction


Depuis les années 1988, où nous avons été confrontés à l'extrême virulence de la bactérie Pseudomonas solanacearum au Congo-Brazzaville, nous avons mis une priorité à la recherche de solutions de contrôle de la maladie du flétrissement bactérien. Les plantations présidentielles de tomate de l'Ile Mbamou y payaient un tribut impressionnant, malgré les hautes qualités agronomiques et technologiques déployées sur le site. A l'époque, la solution génétique, recourant au choix de variétés résistantes ou tolérantes vis-à-vis de la bactérie phytopathogène, ne produisait pas de résultats tangibles. Les recommandations de C.M.MESSIAEN pour une lutte agronomique basée sur le greffage sur Solanum torvum s'étaient avérées satisfaisantes aux Antilles. Nous avons appliqué ces idées tant au Centre ORSTOM de Brazzaville qu'à celui de Pointe-Noire, après avoir mis au point une technique originale de greffage. La Guyane n'est pas épargnée par la prévalence du flétrissement bactérien. Nous en avons rendu compte (Déclert, 2010) et recommandé cette solution de greffage. Solanum torvum se trouve spontané dans les bordures de forêts, mais la maîtrise de sa culture rencontre encore des obstacles.


2.le Solanum torvum SW.

Voir l'excellent texte de SCHIPPERS R.R.2004 sur site PROTA Schippers, R.R., 2004. Solanum torvum Sw. In: Grubben, G.J.H. & Denton, O.A. (Editeurs). PROTA 2: Vegetables/Légumes. [CD-Rom]. PROTA, Wageningen, Pays Bas.
3.la multiplication par semis

En Guyane, les plantes ne fleurissent pas toute l'année, la floraison se situerait vers les mois de janvier-février; les fruits sont disponibles à partir de mars. La germination des graines a été aléatoire au cours de nos essais.

Pourtant, lors des travaux que nous avions commencés en RCI puis au Congo, nous n'avions pas rencontré de difficulté pour l'obtention de plantules de semis. Naturellement la propagation du Solanum est aidée par les oiseaux après consommation des baies. De plus le transit intestinal est connu pour faciliter la germination des graines. Cependant en Guyane, les semis de S.torvum se soldent le plus souvent par des échecs, et nous nous penchons pour les comprendre. La transplantation de plants extraits de leur emplacement naturel et le bouturage en sont donc une alternative possible.
4.la transplantation et greffage

En 2009, lors d'une démarche de vulgarisation, nous avons effectué une transplantation de jeunes plants recherchés dans la parcelle d'un allocataire du programme Papinabo. La première étape consistait à identifier exactement les plantules : pour éviter tout risque d'erreur; il a suffi de prospecter les proches abords de chaque plant de S.torvum bien identifié par sa floraison et ses caractères végétatifs. Ainsi, une quinzaine de plants ont été repiqués en ligne sur une planche labourée.

                          Epanouissement des plants de Solanum torvum après l’abattage
Deux mois après, certains ont été estimés propres à subir le greffage.
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                 « niches » de semis naturels                                            Plantation de jeunes S.torvum prélevés après prospection
Lors de la mission 2010-2011, l'évaluation d'une solution « bouturage du Solanum torvum » a été abordée. La récolte de rameaux convenables a cependant été limitée à une vingtaine d'individus, ce qui réduit l'interprétation des résultats. Ceux-ci nous ont semblé néanmoins intéressants. La brièveté des essais nous a conduit à expérimenter, ainsi que cela se pratique pour d'autres boutures (cas du manioc), la double opération bouturage et greffage. Les conclusions de ces essais de terrain sont les suivantes :
1° la région du prélèvement sur les rameaux est importante pour le succès du bouturage : les meilleurs résultats sont obtenus avec les régions non aoûtées
2° comme pour toutes les boutures, il est essentiel d'éliminer le maximum de feuilles et ne conserver que la ou les deux terminales. Ainsi la transpiration des boutures est fortement limitée, de même que sa déperdition en eau.
3° la reprise des greffes sur boutures nécessite que celles-ci soient suffisamment enracinées, ce qui n'intervient pas avant un mois.
4° les boutures greffées supportent mal le stress de la replantation .

5.le greffage

La technique est celle de la greffe en fente terminale avec guide de greffe (Cf publication (Déclert, 1998), Les meilleures positions des rameaux sont celles qui sont au plus à 30 cm au dessus du niveau du sol. Pour leur protection contre l'insolation, des tuteurs ont été positionnés pour supporter les carton utilisés en guise de parasol (voir photo). Les « abris » sont retirés dans un délai de 4 à 5 jours. . Il est important de palisser convenablement et assez tôt les tiges de part et d'autre du point de greffe pour prévenir une rupture.

Exemples de greffage sur plant de S.torvum « transplanté »
6. bouturage et greffage

La nécessité de produire des plants de S.torvum nous a amené à abandonner (momentanément) la solution des semis et d’envisager la voie du bouturage. Nous avons appliqué les mesures appropriées concernant d’une part la prévention de transpiration des boutures par effeuillage raisonné et d’autre part la stimulation de l’enracinement par recours à un support convenable. Les boutures ont été plantées dans du sable de rivière de calibre moyen avec un arrosage ménagé susceptible de conserver la capacité au champ. Les meilleurs résultats ont été obtenus pour les boutures prélevées au niveau intermédiaire entre les zones herbaces et aoûtées. Néanmoins les meilleurs résultats n’ont pas dépassé 50%, les échecs se rapportant soit à un défaut de rhizogénèse, soit à des pourritures des jeunes racines. Les tentatives de greffage ont été réussies lorsque les greffes ont été faites sur des boutures déjà enracinées, soit environ à l’âge d’un mois. L’affranchissement des boutures greffées a été sérieusement contrarié pat les conditions climatiques du moment : le matériel a été planté sur billon mais sur un sol très inondé. Il n’a pas été possible d’en dégager un bilan quelconque.

Plantation de bouture greffée                                                                       greffe sur bouture

                 Replantation des boutures greffées
7. le « vrai » torvum et les « faux »

Les principales qualités du Solanum torvum pour nos projets sont la résistance à la maladie du flétrissement bactérien, un bon comportement vis-à-vis des Meloidogyne spp., agent des nématoses à galles des plantes maraîchères et une bonne rusticité liée à sa nature de plante pluriannuelle. Il est important de l’identifier sur le terrain et de la distinguer de plusieurs sosies. A l’état adulte, il y a peu de solanacées qui puissent donner le change. Son port arbustif, avec des tiges et rameaux lignifiés, lui est tout à fait unique. Nous produisons ci dessous des images typiques :

Plant de Solanum torvum « cultivé »                                                                             Fruits de Solanum torvum                                       fleur de Solanum torvum
C’est un arbuste ramifié assez peu épineux , de 2,5-4 m de haut. Les feuilles sont ovales, sinuées ou lobées, atteignant 15 cm de long et 10 cm de large, la face supérieure est légèrement pubescente et inerme, la face inférieure peut être armée de quelques épines. A remarquer au niveau des jeunes feuilles terminales, une coloration un peu bronzée des tiges, des pétioles, de la base de la nervure principale, et de la zone du mimbe proche, coloration dûe à une pubescence pigmentée; ce caractère est spécifique des S.torvum (Cf photo). Les fleurs sont blanches, extra-axillaires, disposées en cymes latérales, souvent bifurquées et denses. Le fruit est une baie, globuleuse à sphérique, de 0,6 à 1,3 cm, lisse, verte puis blanchissante à maturité. Deux « imitations » sont très fréquentes : le S.straminifolium et le S.jamaicense. Le premier peut être rejeté facilement en remarquant notamment les fortes épines dressées sur la face supérieure des feuilles. S.jamaicense se caractérise par une forte pubescence des tiges outre la présence de fines épines, sensibles au contact digital , alors que sur S.torvum les aiguillons sont de taille modérée et assez espacés. 2° les feuilles ont en outre une forme losangique assez différente de celle du torvum et une disposition par paire à chaque nœud. Lorsqu’il y a des fruits ceux-ci se colorent en orangé à maturité à la différence des fruits de torvum toujours verts.

                     Caractère distinctif du Solanum torvum                                      Caractères distinctifs du S.jamaicense

Caractère distinctif du S.Stramonifolium                                                                                fruits de S.jamaicense

8. le S.torvum a-t-il un autre avenir?

Pourrait-il devenir une source de molécules utiles dans l’industrie pharmaceutique ?

Usages traditionnels
Dans la médecine traditionnelle, la plante est utilisée comme sédatif, diurétique et digestif; et également dans le traitement de la toux. Les feuilles ont un effet hémostatique. Les fruits sont consommés comme légume et parfois contre l’hypertrophie de la rate. La consommation de fruits cuits avec du riz le soir pendant 2-3 jours permet d’ expulser les vers filaires. Les racines sont utilisées en cataplasme pour les fissures du pied. L’extrait éthanolique des feuilles possède une large gamme de propriétés antibactériennes et antifongiques (Anwar et al., 2007 & Begum et al., 2007).
Constituants chimiques
Les fruits contiennent de la stéroline (sitostérol-d-glucoside) et 0,1% desolasonine, alcaloïde glucosique (Chopra et al., 1992). Des sapogénines stéroïdiens, sisalagenone et torvogenine ont également été isolées à partir de fruits (Rastogi et Mehrotra, 1993). Les feuilles contiennent un alcaloïde stéroïdien glucosidique, de la solasonine, des sapogénines stéroïdiennes, de la neochlorogenine, de la neosolaspigenine et de la solaspigenine. Ils contiennent également du triacontanol, de l'acide tetratriacontainique, de la 3-tritriacontanone, le sitostérol, le stigmastérol et le campestérol (Ghani, 2003).            retour haut de page