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1-La maladie des palmes pendantes du cocotier (suite)

           Dans la ville de Kourou, les cocotiers ont été plantés à titre décoratif aux abords des bâtiments du centre ou pour la production des noix dans les jardins des quartiers périphériques. En aucun cas, il ne peut être question de population assez importante pour constituer une cocoteraie.
Certains cocotiers sont malades et quelques’ uns meurent.
Dans les quartiers périphériques, à habitat individuel, le promeneur voit son attention attirée par l’aspect anormal de certains cocotiers, pour lesquels une ou plusieurs palmes pendent verticalement le long du stipe (tronc) . Lorsque cette inclinaison anormale se produit, la palme est encore aussi verte que les autres. Il ne peut donc s’agir d’une « maladie » (cryptogamique) de la feuille. Parfois, on remarque que les palmes sont rares, dressées, grises, en voie de dessèchement, formant une espèce de petit plumet au sommet. Parfois encore, toutes les palmes ont disparu et le tronc dressé, dénudé de toute végétation, révèle le stade final, la mort du cocotier. Des quatre cocotiers, dont s’enorgueillissait notre villa (photo), en état de maladie ininterrompue depuis un an, l’un a succombé et les survivants sont en sursis.
          La seconde observation du promeneur concerne les dépôts de palmes le long des trottoirs (avant leur enlèvement par les services urbains). Il est facile de déceler la présence de cavernes creusées dans la partie épaissie à la base du pétiole. Outre ces galeries, il remarque également la présence de sortes de petits nids, petites boules oblongues de 10 cm sur 3cm, constituées de débris de fibres végétales cimentées. A l’intérieur, il peut découvrir une grosse chrysalide fusoïde, brun rouge, de 8 cm de long et d’1 cm de calibre, le plus souvent encore vivante et animée de quelques mouvements de torsion à l’intérieur de sa niche. Armé d’un couteau assez fort pour disséquer les galeries à la base des pétioles, il découvre enfin un gros ver blanc d’une dizaine de cm de long. Il ne s’agit pas du ver blanc généralement connu (larve de coléoptère), mais plutôt d’une chenille, caractérisée par sa dotation de 5 paires de fausses pattes sur les articles de l’abdomen.
          On imagine facilement le dégât de ces énormes larves, rongeant les tissus de la base du pétiole dont la résistance est progressivement amoindrie. Le poids de l’organe (pour un cocotier adulte de l’ordre de 8 à 10 kg) entraîne alors la rupture brutale du pétiole à son point d’attache et l’affaissement vertical de la palme.
          Qui dit chenille, dit papillon. Il faut bien trouver sous quelle forme parfaite se transforme cette terrible mineuse.
          A la vérité, le promeneur, attentif à l’environnement naturel, n’en observe que rarement. Cependant un fort voilier, de grande envergure, de presque une vingtaine de cm, brun, affectant posé une allure de delta, les ailes antérieures ornées de deux bandes obliques, blanches à jaunes, a été observé dans notre jardin à la fin du jour à plusieurs reprises. La récolte de chrysalides lors de la chute répétée des palmes dans notre jardin nous a fourni plusieurs échantillons en état de vie. La seconde tentative d’élevage a été couronnée de succès : un papillon identique à ceux qui nous intriguaient. Nos soupçons pour relier les chenilles mineuses à ce papillon, identifié par Mr.TIEGO (SRPV de Cayenne), comme Castnia daedalus Cramer ont donc été confirmés.

2-La protection du cocotier : lutte ou prévention?

          Plusieurs kourouciens interrogés, nous ont dit connaître ce ver blanc, destructeur des cocotiers. Certains, même, connaissent une méthode de lutte consistant à verser une quantité de sel à l’aisselle des pétioles. L’efficacité de cette solution pourrait être confirmée par l’observation de l’état sanitaire des cocotiers en bordure de plage (par exemple entre l’avenue Félix Eboué et le rivage), soumis aux embruns et croissant dans un sol salé. Une enquête est à mener dans ce sens.
          Cette affection du cocotier a été signalée sur tout le département et même dans d’autres pays voisins, Brésil et Surinam. Sur le palmier à huile, ce ravageur a été étudié par des chercheurs entomologistes du CIRAD au Pérou, une méthode de lutte chimique ayant même été envisagée. Un insecticide, du groupe des organophosphorés, serait appliqué par pulvérisation dans les palmeraies pur détruire les chenilles. Au Brésil, selon Mr TIEGO, une méthode originale de lutte biologique, faisant intervenir un micromycète (Beauveria) serait même assez satisfaisante pour les grandes cocoteraies industrielles. Le champignon agirait comme parasite des chenilles. Des chercheurs au Surinam ont, de leur côté, envisagé une lutte biologique par application de nématodes (vers microscopiques) pour détruire les larves de Castnia. Cela n’est malheureusement resté qu’un projet de laboratoire.

          Une stratégie écologique s’élabore à partir de données clairement établies :
1° Quelle est l’importance des dommages? La situation économique mérite t-elle une intervention? Et, est-elle susceptible d’évoluer pour se présenter sous une forme plus grave d’ici quelque temps?
2° Comment fonctionne le ravageur ? Quel est son cycle biologique? Il faut le connaître avec précision et notamment la durée de chacun des stades : œuf, larve, chrysalide, adulte. Quels sont ses points faibles et ses points forts? Ses hôtes ? La place du Castnia (oeuf, larve, chrysalide et papillon) dans la niche écologique des jardins avec cocotiers? Observe-t-on des cas de rémission pour les cocotiers? Et peut-on les relier à des problèmes sanitaires pour la population de Castnia ?
3° l’hôte présentement identifié (Cocos nucifera) est-il le seul à permettre le cycle du Castnia? Peut-on constater des différences de comportement (plus ou moins grande sensibilité) selon les variétés ou les espèces?
4° le rôle du « milieu » est-il important ou non? Observe-t-on des saisons ou des périodes au cours desquelles les symptômes sont plus apparents ou plus discrets? Existe-t-il des sites indemnes de ce ravageur (les îles du Salut, par exemple)?
5° existe-t-il des ravageurs semblables et des tactiques réussies dans leur efficacité à les contrôler ou tout au moins des équipes qui y travaillent (problème du Paysandisia sur la Côte d’azur).
          La réponse à la plupart de ces questions, obtenue après que diverses enquêtes, observations et expérimentations aient été achevées, devrait permettre l’émergence d’une stratégie pour une meilleure sauvegarde du cocotier guyanais.

3-Quelle conduite à tenir actuellement?

                A partir des élements déjà connus, on peut résumer la "maladie"à l'action de destruction des cocotiers par les chenilles de Castnia. Cette maladie s'entretient à travers les pontes des papillons. Tout ce qui peut réduire les populations de ces lépidoptères aura une répercussion favorable sur la maladie. Dans l'immédiat, il semble difficile d'agir sur les chenilles ou sur les papillons qui en sont les parents. Par contre, les chrysalides semblent accessibles. En effet, lorsque les propriétaires font la "toilette" de leurs cocotiers, les palmes éliminées sont souvent porteuses de cocons et de chrysalides vivantes. Puisque les riverains rejettent régulièrement leurs déchets végétaux sur le trottoir, on peut imaginer la récolte et la destruction des cocons avant le passage des bennes. Une action de vulgarisation, par voie de presse, radio ou télévision, informant la population sur la maladie pourrait aboutir à une campagne de destruction des sources de conservation du parasite, c'est-à-dire ces cocons et leurs chrysalides. Toute chrysalide détruite représentera un papillon de moins, soit quelque cent vingt chenilles, parasites potentiels en moins sur trente, quarante, ou cinquante cocotiers
(les entomologistes évaluent la fécondité moyenne d'un papillon femelle Castnia à deux cent cinquante oeufs).

Kourou, le 19 septembre 2002
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